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Réindustrialisation et décarbonation : l’Ameublement français lance une – longue – feuille de route

Réindustrialisation et décarbonation : l’Ameublement français lance une – longue – feuille de route

La filière s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de décarbonation et de développement économique, pour à la fois réindustrialiser durablement le pays et lutter contre le déficit commercial. Or en la matière, 2023 sera une année charnière.

À la veille du salon EspritMeuble (19 – 22 novembre), le 8 novembre dernier exactement, à l’occasion d’une conférence de presse qui s’est tenue à l’espace événementiel “La Villa des Champs”, rue de La Boétie, à Paris VIIIe, les dirigeants de l’Ameublement français ont dévoilé comment leur organisation professionnelle (représentante, faut-il le rappeler ?, « des acteurs de la fabrication d’ameublement et de l’aménagement des espaces de vie »), entend relever l’un des principaux défis que notre époque impose à la filière, à savoir : comment construire l’avenir de l’ameublement hexagonal en conciliant le développement économique, l’inclusivité sociale et la soutenabilité environnementale ? Autrement – et plus simplement – dit : comment concilier décarbonation (ou décarbonisation) et réindustrialisation ?

Pour soutenir cette gageure (dans le cadre de l’élaboration de son nouveau plan sectoriel 2022-2027), l’Ameublement français a entrepris une démarche structurée, pour que la filière de fabrication d’ameublement contribue à atteindre les objectifs “officiels” 2030-2050 de décarbonation de l’économie française. La conviction des animateurs de l’organisation ? : « Réduction du déficit commercial et décarbonation peuvent devenir les deux faces d’une même pièce, celle de la réindustrialisation durable du pays. » Comprendre : il est possible de transformer une obligation en une formidable opportunité.

La conférence de presse de l’Ameublement français s’est tenue le 8 novembre dernier à l’espace événementiel “La Villa des Champs”, rue de La Boétie, à Paris VIIIe.

Pour répondre aux enjeux, l’Ameublement français a mandaté le cabinet de conseil EY (nouveau nom du célébrissime “Ernst & Young”), afin d’évaluer les dynamiques économiques, sociales et environnementales de la filière sur l’ensemble du territoire français et dresser les scénarios des différentes trajectoires de décarbonation, en cohérence avec les “accords de Paris”. Ceci en tâchant de mesurer comment il serait possible, dans le cadre de ce chantier protéiforme, de concilier, comme évoqué plus haut, “soutenabilité” (quel avenir pour l’industrie, dans un monde neutre en carbone, qui vit déjà des tensions inflationnistes sur l’énergie et les matières premières ?),  “viabilité” (comment créer des emplois de qualité, loin des métropoles, dans une économie mondialisée et concurrentielle ?) et “acceptabilité” (comment produire des biens et services essentiels, accessibles à tous… et exemplaires sur le plan environnemental ?).

Selon ses représentants, la filière ameublement bénéficiera en 2023 d’un “momentum” unique, en s’inscrivant au cœur des politiques publiques. La réindustrialisation, désormais enjeu de souveraineté économique et de protection d’emplois à haute valeur ajoutée, est devenue une grande cause nationale. Avec 60 000 emplois directs (112 000 emplois en incluant les emplois indirects et induits), 19 000 TPE, PME et ETI (dont les trois quarts se situent à l’extérieur des métropoles), l’ameublement français est « une filière à haute valeur ajoutée pour le pays » (3,6 milliards d’euros de valeur ajoutée directe en 2021, soit 40 % de plus que l’industrie textile). Et malgré une forte désindustrialisation passée, la filière fait plus que résister, que ce soit en matière de transition territoriale (elle est « ancrée dans les territoires ruraux et périurbains ») ; de transition professionnelle et sociale (« l’intégration par le travail est au cœur de la raison d’être des entreprises de l’ameublement ») ; de transition internationale (alors que 52 % des meubles achetés en France sont importés et que le degré d’internationalisation des entreprises reste à des niveaux très bas, la filière va lancer « un grand plan d’internationalisation de ses entreprises ») ; ou encore de transition environnementale (la filière ameublement est certes émettrice de CO2, mais limite son impact, notamment grâce la bonne gestion de la fin de vie des meubles et grâce à l’utilisation du bois – très peu émissif et durable – comme principale matière première). Autant d’éléments concrets qui font dire à Philippe Moreau, président de l’Ameublement français, que « la filière de l’Ameublement français a pris à bras-le-corps les enjeux de l’impact environnemental de la fabrication, par l’utilisation de matériaux vertueux, le recyclage et le réemploi, ainsi que son rôle social, en se fixant de nouveaux objectifs RSE en termes d’emplois, de formations et d’évolutions de carrières. C’est une filière industrielle qui résiste, ancrée dans les territoires ruraux ou périurbains, qui propose des emplois de qualité et affiche une dynamique d’inclusion, notamment des jeunes, par l’apprentissage ».

De gauche à droite : Cathy Dufour (déléguée générale de l’Ameublement français), Yannick Cabrol (“senior manager” EY Consulting, en charge du rapport “L’Ameublement français, une filière au cœur des transitions”) et Philippe Moreau (président de l’Ameublement français).

« L’année 2023 sera une année charnière pour la filière ameublement, a quant à elle affirmé Cathy Dufour, déléguée générale de l’Ameublement français, qui devra s’adapter aux changements des modes de production et de consommation, aux fortes tensions sur l’approvisionnement, qui rendent plus urgente encore la mise en place d’un plan de résilience et de sobriété ». Pour devenir une filière à impact positif en 2030, l’organisation professionnelle a en effet lancé une feuille de route « vers une réindustrialisation durable » en plusieurs étapes. Synthèse :

D’ici à 2030, la filière souhaite se décarboner, en agissant sur l’ensemble du cycle de vie des produits, de l’approvisionnement à la fabrication, en passant par le transport. L’Ameublement français a mis en place un « accélérateur du déploiement RSE », à travers un programme d’accompagnement de formations collectives et personnalisées adaptées aux entreprises de toutes tailles. Parallèlement, la filière a également établi une feuille de route ambitieuse pour développer ses entreprises, à l’international, fondée sur une soixantaine d’actions concrètes, à même de réduire d’un tiers le déficit commercial actuel, en renforçant l’implantation française sur les marchés en croissance.

L’étude du cabinet EY a permis de modéliser les impacts des ambitions de la filière et de comparer deux scénarios : celui d’une poursuite de la désindustrialisation de la filière et celui d’une volonté de réindustrialisation et d’internationalisation. Il s’avère ainsi que, sans plan de transformation de la filière, la désindustrialisation de la fabrication d’ameublement en France devrait se poursuivre, au profit des importations, plus émettrices de carbone ; un scénario peu soutenable d’un point de vue social… et inopérant d’un point de vue environnemental ! A contrario, en ayant une approche volontariste misant sur la réindustrialisation et l’internationalisation de la fabrication d’ameublement en France, les émissions totales de carbone liées au secteur du meuble baissent de 11 % d’ici 2030, tout en contribuant à la création de 10 900 emplois ! 

Par ailleurs, d’ici à 2050, la filière voit dans l’émergence du design d’usage et de l’économie de la fonctionnalité, « la solution à une décarbonation profonde, compatible avec une croissance économique durable. Cela suppose un changement majeur des mentalités des parties prenantes de la filière (en premier lieu les consommateurs BtoB et BtoC…), pour évoluer vers de nouveaux “business models”, qui créeront de la valeur pour la filière, tout en produisant moins ». Et les représentants de l’Ameublement français d’ajouter : « Il s’agit de passer du meuble en tant que produit au “furniture as a service”, dans une logique d’économie de la fonctionnalité. Louer plutôt qu’acheter, réparer plutôt que jeter, privilégier la qualité plutôt que le prix bas, dans une optique de développement du marché de seconde main. » Enfin concluent-ils, outre sa capacité à innover, qu’elle doit impérativement accentuer, « il est également essentiel que la filière bénéficie, et ce le plus rapidement possible, de moyens financiers, réglementaires et humains, pour relever les défis posés par cette réindustrialisation durable ».

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