Henri-Alexis Desombre : « Thiriez doit impérativement reprendre le “lead” sur le sommeil. »
C’est sa première prise de parole depuis son arrivée à la direction générale du groupe Thiriez. Nommé à ce poste le 12 septembre 2022 par Geoffrey Thiriez (désormais président de l’entreprise de Wattrelos), Henri-Alexis Desombre a bien voulu répondre aux questions de Meuble-Info. Il ressort de cet entretien exclusif une interview un peu trop “fleuve” pour un passionné de voile (et pour nos lecteurs les plus pressés !), mais qui nous permet d’en savoir davantage sur l’homme, sur la mission qui lui a été confiée et sur ses ambitions pour Thiriez.
Meuble-Info : Pouvez-vous nous rappeler brièvement dans quelles conditions vous êtes arrivé à la direction générale du groupe Thiriez et quel a été votre parcours auparavant ?
Henri-Alexis Desombre : J’ai pris mes fonctions de directeur général du groupe Thiriez le 12 septembre 2022.
Avant cela, j’ai tenu à vivre une immersion totale dans l’entreprise pendant quatre mois. Objectif : faire connaissance avec l’ensemble des personnels, m’imprégner des savoir-faire de chacun, comprendre les exigences de chaque service. J’ai notamment accompagné nos commerciaux sur le terrain et travaillé aux côtés de nos salariés dans notre usine de Wattrelos (59). Cela m’a permis de vraiment saisir leur métier et d’appréhender au mieux leurs conditions de travail, ce qui me paraît indispensable pour savoir exactement où placer le curseur lorsque nous prendrons des décisions stratégiques qui impacteront directement leurs tâches quotidiennes.
Par ailleurs, mon parcours professionnel, au cours des quelque vingt dernières années, m’a inculqué une vraie passion pour l’industrie, doublée d’un attachement particulier vis-à-vis des PME qui sont à la fois industrielles et ambassadrices de marques… Responsable d’enseignes (marque nationale et marque de distributeur) chez Verquin Confiseur ; directeur commercial (France, export, marketing) chez la Brasserie Duyck (Jenlain) ; création et déploiement de “The Beer Family” (force de vente mutualisée), pour le compte de cette même Brasserie Duyck ; directeur commercial (France, export, marketing et R&D) pour “Chocmod” (chocolaterie)… : toutes ces expériences, vécues au travers du prisme du commerce et du marketing, m’ont définitivement prouvé que, pour être vraiment efficace dans la commercialisation d’un produit, il est indispensable de maîtriser ce même produit de A à Z ; ce qui est précisément le cas chez Thiriez !
Comment s’est passée votre rencontre avec Geoffrey Thiriez, aujourd’hui président du groupe, qui a choisi de vous nommer à la direction générale de l’entreprise ?
– Pendant quatre ans, j’ai fait partie d’un club de dirigeants, “Germe” (“Réseau de progrès des managers”), auquel Geoffrey adhérait également. C’est comme cela que nous nous sommes connus et appréciés. Humainement bien sûr (avec la voile comme passion commune), mais aussi professionnellement. Nous partageons la même vision du monde de l’entreprise, basée à la fois sur les valeurs du travail et sur un management axé autour des relations humaines.
Avant de rejoindre Thiriez, je travaillais sur un projet de rachat d’une entreprise, mais le cédant s’est rétracté au dernier moment. Alors que nous continuions de nous voir régulièrement et que j’avais évolué concernant mes propres envies, j’ai raconté ma mésaventure à Geoffrey qui, de son côté, cherchait quelqu’un susceptible de reprendre la direction générale de Thiriez. Ceci pour deux raisons : se libérer du temps lui permettant de réaliser deux projets personnels (accompagner son épouse dans l’ouverture de son propre restaurant et assouvir son rêve : participer à une course au large, en l’occurrence la transatlantique “Cap Martinique”, en avril 2024), mais aussi pour être davantage à l’écoute du marché et de ses évolutions.
Après avoir succédé à ses parents, Geoffrey Thiriez avait déjà été à l’origine de l’ouverture de l’entreprise vers la revente de gammes spécifiques via la distribution spécialisée, alors que Thiriez ne travaillait jusqu’alors que pour l’hôtellerie et les collectivités… Est-ce à dire que d’autres évolutions sont à l’ordre du jour ?
– Si nous voulons offrir à Thiriez les moyens de ses ambitions, nous devons profiter de l’expertise de Geoffrey sur nos marchés. Rendez-vous compte : en amont, certains de nos fournisseurs deviennent des fabricants ; en aval, certains de nos confrères industriels acquièrent des réseaux de distribution… Pour pouvoir continuer de nous développer demain, nous allons devoir nous positionner !
En d’autres termes, si Geoffrey a souhaité se retirer de l’opérationnel et s’il m’a confié la direction générale, c’est parce qu’alors que nous avons fêté nos 30 ans en 2022, il souhaite désormais mettre le cap sur le centenaire, continuer de développer notre chiffre d’affaires (avec un objectif de 35 M€ en 2027) et intégrer le “Top 5” des plus gros fabricants français de literie d’ici 2027.
Puisque vous parlez de chiffres… Dans un post LinkedIn, Geoffrey Thiriez avait évoqué un exercice 2022 « solide » et de fortes ambitions pour 2023 ; où en êtes-vous aujourd’hui ?
– Je vous confirme notre belle performance sur 2022, avec un chiffre d’affaires en hausse de 3 %, à 24,2 M€ et des marges globalement stables. Concernant l’année en cours, nous nous sommes effectivement fixés pour objectif ambitieux d’atteindre les 26,5 M€. Et ils devraient être atteints !
À fin juin, dans le contexte compliqué que vous connaissez, nos volumes d’affaires étaient étals versus juin 2022. En juillet, nous étions encore à -7 % de l’objectif, mais nous prévoyons un atterrissage à +7 %.
Sans rentrer dans le détail, ce qui nous permet de performer de la sorte, c’est l’un des atouts majeurs de notre entreprise : Groupe Thiriez marche sur deux jambes ; l’hôtellerie et les collectivités d’un côté, la distribution spécialisée de l’autre ; lorsqu’un marché est en perte de vitesse, l’autre vient contrebalancer ! Or nous avons récupéré un gros marché en collectivités, auprès duquel les volumes commandés s’avèrent supérieurs aux prévisionnels. Côté hôtellerie, nous avons aussi remporté quelques beaux appels d’offre et la dynamique actuelle de renouvellement, sur ce marché, notamment concernant les deux aux quatre étoiles, correspond bien à notre savoir-faire historique.
Qu’en est-il de votre activité avec la distribution ?
– Notre présence sur le salon EspritMeuble, en novembre 2022, a été un vrai succès avec, à la clé, de très belles commandes qui, après un mois de janvier atone, nous ont permis de réaliser un bon mois de février. Après quoi nous avons suivi à peu près les mêmes tendances que l’ensemble du marché, à savoir des mois de mars et avril corrects, mais un mois de mai très mauvais… Concernant juin et juillet, il ressort notamment de la période des soldes que notre nouvelle gamme “Sérénité” (complètement relookée à l’occasion du salon EspritMeuble), plaît beaucoup. Cette collection nous apporte une belle dynamique dans une période difficile, au même titre d’ailleurs (mais sur un niveau de gamme supérieur), que notre ligne “Avenir” (première collection de matelas éco-conçus commercialisée avec une étiquette affichant l’impact environnemental), qui, elle aussi, a été très bien accueillie (tout particulièrement le modèle “Séquoia”).
Afin de renouveler ce succès lors de la prochaine édition d’EspritMeuble (18 – 21 novembre prochain), nous avons choisi de développer de nouveaux conforts, pour répondre aux attentes des clients et des consommateurs. Et, parce que nos clients distributeurs ont en ce moment surtout besoin de “transformer” dans leurs magasins, nous allons investir dans une clarification rigoureuse de toutes nos collections, tout en apportant aux autres produits de vraies valeurs ajoutées susceptibles de déclencher l’achat. En parallèle de quoi nous allons travailler sur de nouveaux outils, afin d’accompagner nos clients (ILV, PLV, fiches techniques…) et nos commerciaux vont disposer de nouveaux plans de vente, afin de toujours mieux former les forces de vente de nos clients sur les produits.
Vous n’avez pas cité la collection “Hypnove”…
– Volontairement. Cette gamme a plutôt bien performé en début d’année, mais globalement ses résultats sont en deçà de nos attentes. Nous touchons ici en quelque sorte le “revers de la médaille” de ce que nous sommes : une belle PME du Nord, capable de fabriquer des pépites… mais un peu trop discrète à mon sens ! Nous devons rester humbles, certes, mais nous devons aussi être fiers de ce que nous sommes et le mettre davantage en avant. Cette volonté, que je partage avec Geoffrey, sera partie prenante du cap ambitieux évoqué tout à l’heure et vers lequel nous voulons embarquer tous nos salariés.
Initiée par Geoffrey et ses équipes en 2015, Hypnove, une gamme de trois matelas certifiés par le “Centre du sommeil et de la vigilance” de l’hôpital Hôtel-Dieu, capable d’offrir au dormeur à la fois un endormissement plus rapide, un sommeil plus profond et une nuit plus longue, fut largement avant-gardiste ! Je pense qu’il faut donner un second souffle à cette gamme, si possible dès 2024. Nous évoluons dans un marché extraordinaire, avec un produit incroyable – le lit – dont personne ne peut se passer, mais qui s’avère assez complexe et très technique. C’est une chance inouïe ! Thiriez doit impérativement reprendre le “lead” sur le sommeil initié en 2015, imaginer le matelas de demain et innover pour ses clients.
Vous évoquiez tout à l’heure votre gamme éco-conçue “Avenir” qui, au même titre qu’Hypnove, fut une vraie innovation. Cette nouvelle impulsion novatrice, que vous dites vouloir insuffler à votre groupe, ne passe-t-elle pas justement par une démarche RSE ?
– Si. Et j’allais y venir. La prise en compte par l’entreprise des enjeux environnementaux, sociaux (particulièrement chers à Jérôme et Laëtitia Thiriez, ses fondateurs), économiques et éthiques, dans ses activités, a toujours fait partie de l’ADN Thiriez. En vérité d’ailleurs, notre gamme “Avenir” tient son nom d’une démarche environnementale globale impulsée par Geoffrey et baptisée “Programme Avenir”.
En résumé, l’objectif de ce programme (qui se poursuit) consiste notamment à baisser de 20 % notre consommation électrique avec, pour ce faire, la fin de l’éclairage nocturne ; un “relamping” de nos bâtiments en LED à détecteurs de présence ; une isolation thermique du bâtiment logistique de 9 000 m2 (permettant de ne pas le chauffer) ; et la création d’une ferme de panneaux solaires (500 000 € d’investissement).
Par ailleurs, force est de constater qu’aujourd’hui le marché veut des normes, des labels, des référentiels… ; c’est le sens de l’histoire. Or si en la matière, notre “coach RSE” nous a confirmé que nous étions plus que bons (je pense ici notamment à nos certifications ISO 9001 et ISO 14 000, ou encore à l’obtention récente du label “WeImpact”, et j’en passe !), dans ce domaine-ci aussi, nous devons mieux communiquer, tout en rationnalisant nos choix stratégiques et nos investissements, avec en ligne de mire, l’obligation d’un étiquetage environnemental en magasin d’ici 2025, la loi AGEC, l’Accord de Paris… Nous allons statuer sur tous ces sujets d’ici la fin de l’année, pour être parfaitement opérationnels dès 2024.
Pour résumer d’une formule mon état d’esprit concernant tous ces chantiers, je trouve que j’arrive à un moment hyper excitant !