Christophe Gavaudan (UCEM) : « Quand le marché retrouvera des couleurs, nous aurons pris une longueur d’avance. »

Réélu en mai dernier à la présidence de celui qui se présente comme “le plus grand réseau coopératif de magasins spécialistes de l’ameublement et de la literie”, Christophe Gavaudan entend mettre à profit ses six années de mandat pour remettre les quatre enseignes de l’UCEM (Monsieur Meuble, Crozatier, Meublena, Expert Litier) sur les voies de la réussite commerciale, des nouvelles technologies et du développement. Interview.

Meuble-Info : Le 27 mai dernier, vous avez été réélu au poste de président de l’UCEM et de président-directeur général de la SCM (“Société coopérative du meuble” qui, pour mémoire, contrôle à 100 % l’UCEM, filiale opérationnelle de la coopérative), ceci pour un mandat de six années. Quatre mois presque jour pour jour après cet évènement, quel regard portez-vous sur votre réélection ?

Christophe Gavaudan : Je dois rappeler ici que j’ai été réélu à la présidence de l’UCEM après avoir effectué un premier mandat de quatre ans, ceci à compter de juillet 2020, lorsque le conseil d’administration SCM/UCEM m’a alors demandé de prendre la suite de l’ancienne présidente… Durant ces quatre premières années de présidence, j’ai donc piloté l’UCEM au mieux bien sûr, mais en étant l’héritier de choix stratégiques de l’ancienne gouvernance. Dans ce contexte, l’unanimité que m’a accordée le conseil en mai dernier, pour un mandat de six ans cette fois, change la donne : c’est à la fois un honneur, une reconnaissance gratifiante du travail effectué, une marque de confiance dans mes capacités à poursuivre l’action, bien sûr ; mais c’est aussi et surtout un encouragement à régénérer les équipes et remettre en perspective le développement des enseignes qui sont les nôtres (Monsieur Meuble, Crozatier, Meublena, Expert Litier). En d’autres termes : j’ai été réélu sur des valeurs partagées et sur un programme.

Que peut-on dire aujourd’hui, en quelques mots, de ce programme ?

– Pour résumer, je rappellerai simplement une partie du message que j’avais fait passer lors de notre congrès 2023, à savoir : l’impérieuse nécessité de restructurer nos collections, afin de focaliser l’offre sur les cœurs de métier des enseignes du groupe et, concernant plus particulièrement notre bannière “numéro un” – Monsieur Meuble –, nous recentrer sur l’ADN et le territoire naturel d’expression de l’enseigne ; sans oublier de mettre un terme à une forme de “déshérence” d’une partie du réseau, qui ne suit pas toujours les préconisations de la centrale comme elle le devrait et nuit ainsi à la cohérence de l’enseigne au niveau national ; message que j’ai d’ailleurs réitéré plus récemment lors du “Showroom Monsieur Meuble” du mois d’avril.

Autrement dit, si je suis plus que jamais attaché à notre modèle juridique de coopérative, basé sur le principe originel d’“un homme, une voix”, dont je suis convaincu que le partage collectif qu’il implique est une force, j’estime aussi qu’“un homme une voix” ne signifie pas “autant de stratégies différentes pour chaque voix” ! À un moment donné, si l’on veut mettre en place des stratégies qui profitent vraiment à tous, et même si certains ne partagent pas complètement votre point de vue, il faut prendre des décisions et se montrer un peu plus coercitif pour que soit appliquées les stratégies en question. Ceux qui m’ont réélu savent où les équipes de l’UCEM et moi-même voulons aller.

Les équipes que vous évoquez à l’instant ont beaucoup évolué ces derniers mois. Ce renouvellement est-il partie intégrante du mandat que le conseil d’administration vous a confié ?

– Absolument. C’est notamment pour assumer la restructuration des collections évoquée à l’instant que nous avons recruté Simon Denecker en tant que “Directeur des Achats” de l’UCEM. Il nous apporte une réelle connaissance “produit”, ainsi qu’une solide expérience dans le sourcing et la négociation.

En ce qui concerne Bénédicte Jeanneau, “Directrice Générale Opérationnelle” de l’UCEM, qui nous a rejoints en même temps que Simon en février dernier, elle nous apporte une expertise approfondie des enjeux commerciaux, en particulier dans le secteur de la vente au détail.

Je suis convaincu que c’est en période de crise qu’il faut investir, notamment sur l’humain. Les ressources de l’UCEM, qui sont solides, nous le permettent. Plutôt que nous recroqueviller en attendant que l’orage passe, nous devons au contraire nous préparer pour, une fois la situation économique rétablie, pouvoir prendre une vraie longueur d’avance. C’est dans cet esprit que nous avons, plus récemment encore, recruté Maxime Gellot en tant que “Responsable du développement”. Et je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’une responsable “digital” nous rejoindra le 4 novembre prochain, afin de superviser toutes les transformations qui seront les nôtres en la matière dans les mois à venir.

Nous en reparlerons. Avant cela et pour revenir sur vos différentes enseignes, quel bilan tirez-vous du showroom Monsieur Meuble que vous venez d’évoquer ?

– Lors de ce showroom, nous avons pu présenter à nos adhérents une collection qui avait pour double objectif d’apporter du business aux magasins sous enseigne et de renouer avec l’ADN de Monsieur Meuble. Ce fut incontestablement une réussite, avec un très bon taux de suivi et un bilan de quelque 2 millions d’achats en volume. Tous les produits sont arrivés en magasin fin septembre et nous avons sublimé cette collection grâce à la sortie de la quatrième édition du magazine “100% Vous”, ainsi qu’à l’ensemble de la communication orchestrée par notre directrice de la communication, Delphine Azot.

Concernant Crozatier (qui fête tout de même ses 120 ans cette année et compte vingt unités à ce jour), elle a été le sujet d’une réflexion approfondie de notre part. Réflexion dont il est ressorti que cette enseigne bénéficie d’un territoire d’expression assez unique sur le marché français. Forts de ce constat, nous sommes d’ores et déjà en train de travailler sur un nouveau cœur de collection (pour lequel nous avons fait appel à une styliste extérieure), qui sera partagé par tous les magasins. Nous sommes au commencement d’une nouvelle histoire, qui devrait voir Crozatier s’imposer comme l’enseigne du « raffinement à la française », sur des surfaces de 300 m² à 600 m².

L’enseigne Meublena quant à elle (21 magasins, dont deux ouverts récemment), continue de parfaitement jouer son rôle au sein de notre portefeuille de marques : celui d’un concept patronymique, qui s’adresse aux professionnels attirés par notre modèle coopératif et/ou qui voudraient accessoirement bénéficier du ducroire, qui apparaît comme un avantage financier non-négligeable.

Qu’en est-il de la dernière-née de vos enseignes (en 2022), la bannière spécialiste literie “Expert Litier” ?

– C’est un pari réussi (celui de proposer à nos adhérents – ou autres professionnels – de diversifier leur activité au-delà du meublant) ; et une vraie réussite, puisqu’après seulement deux années d’existence, nous dénombrons déjà 27 magasins, dont un ouvert tout récemment à Saint-Maximin (60). Nous devrions atteindre les 35 unités d’ici la fin 2025 ; l’objectif étant de passer très vite le cap des 50. Le réseau est en progression à périmètre constant et le concept génère des marges plus importantes que celles en vigueur dans le meublant, ce qui permet de sécuriser les comptes d’exploitation de nos adhérents.

La réussite d’Expert Litier illustre parfaitement ce que je disais tout à l’heure : en faisant appel à l’expertise de Christophe Patard (directeur de l’enseigne et des opérations “literie” du groupement), qui a monté une équipe pour l’accompagner dans cette aventure, nous avons fait le pari d’investir sur l’humain malgré un contexte de consommation moins porteur.

Vous nous avez annoncé qu’une responsable “digital” allait rejoindre l’UCEM le 4 novembre prochain, afin de superviser les transformations qui vont intervenir en la matière ces prochains mois. De quelles transformations va-t-il s’agir ?

– Nous avons été les premiers, il y a maintenant onze ans, avec le “Labo M by Monsieur Meuble”, à proposer un configurateur 3D. Mais celui-ci n’a pas été développé comme il aurait dû l’être et nous avons finalement choisi de changer notre fusil d’épaule.

Aujourd’hui, sous la responsabilité de Marion Wagnon, notre responsable de l’animation commerciale, nous avons décidé de travailler avec la société Cosika et son logiciel de conception 3D, Boost Ta Trybu, déjà adopté et éprouvé par certains de nos confrères. Nous sommes encore actuellement en train de boucler l’étape sans doute la plus fastidieuse mais aussi la plus essentielle pour faire aboutir ce projet, inédit à l’UCEM : « l’embasement » de la « data » nécessaire ; autrement dit, la saisie de toutes les données indispensables à la modélisation de l’ensemble des produits vendus dans nos magasins, dans toutes les configurations possibles et imaginables (matières, dimensions, finitions, accessoires, etc.).

Pour résumer, cette innovation nous permettra de faire bénéficier nos forces de vente de deux outils : d’une part un catalogue digital, grâce auquel tous les vendeurs, en magasin, vont pouvoir consulter l’ensemble des collections sur tablette et proposer n’importe quel produit au fur et à mesure des avancées du projet de leurs clients (avec un affichage instantané du prix afférent) ; d’autre part un configurateur 3D, grâce auquel le consommateur pourra découvrir de façon dynamique sa future acquisition avec, à la clé, une modélisation à 360° de son produit. L’étape suivante, dans un deuxième temps, sera de rendre cet outil accessible via le site de l’enseigne, afin que les consommateurs qui le souhaitent puissent commencer eux-mêmes une configuration à la maison… Les prémices de ce projet vont être présentés à nos adhérents au cours des quatre réunions régionales de ce mois d’octobre et la première partie du dispositif devrait être opérationnelle avant la fin de l’année.

Ces nouveaux outils vont-ils vous permettre d’attirer une nouvelle population de vendeurs ?

– Nous en sommes convaincus ! Ces nouveaux outils d’aide à la vente vont non seulement nous aider à fidéliser les bons vendeurs mais aussi, effectivement, à attirer de nouveaux profils, à savoir des jeunes qui ont une vraie appétence pour le commerce, font preuve de la curiosité nécessaire pour appréhender ces nouvelles technologies, mais n’ont pas forcément d’expérience en matière d’ameublement.

Mais ce n’est pas tout ! Outre le digital, notre deuxième priorité stratégique, dans les mois à venir, sera le développement de nos enseignes. C’est aussi là que le projet que je viens de vous décrire prend tout son sens : parce que dès lors que nous disposerons des outils associés, comme pour les vendeurs en magasin évoqués à l’instant, nous serons en mesure de recruter des entrepreneurs qui ne viennent pas forcément du monde du meuble.

Recentrage de Monsieur Meuble, catalogue digital et configurateur ; réaffirmation de l’identité de Meublena ; repositionnement de Crozatier ; montée en puissance d’Expert Litier : tout se tient ! En outre, avec l’arrivée de Maxime Gellot, notre responsable développement, ce portefeuille, constitué de quatre enseignes authentiques, offre des possibilités pour réaliser des merveilles.

Mais le contexte économique, comme il se dit souvent, reste compliqué…

– C’est un fait. Et je pense hélas que notre marché du meuble domestique va probablement boucler cette année 2024 sur un net recul.

Ceci étant, la situation économique pouvant évoluer de façon tellement inattendue, selon une foultitude de facteurs que nous ne maîtrisons pas, personne, soyons honnête, ne sait vraiment de quoi demain sera fait… La seule chose que moi et l’ensemble des équipes de l’UCEM puissions vraiment faire, c’est d’imaginer le meilleur. Et pour imaginer le meilleur, il faut être en ordre de marche. Dans cet esprit, nous avons consenti de gros investissements, afin de disposer des outils nécessaires qui nous permettront d’être prêts. Quand le marché retrouvera des couleurs, nous aurons pris une belle longueur d’avance.