
Le marché du meuble domestique signe un premier semestre particulièrement morose, avec un recul global de 3,9 % et une chute marquée (-10 %) en juin. Tous les segments reculent, sauf la cuisine qui progresse légèrement, tandis que la grande distribution et le meuble meublant peinent fortement. La consommation reste freinée par un moral des ménages toujours en berne et un taux d’épargne historiquement élevé.
Dans sa note semestrielle du mois de juin, rendue publique dans les tout premiers jours d’août, l’Institut de prospective et d’études de l’ameublement (IPEA) fait état de résultats en fort recul sur le sixième mois de l’année, avec une contre-performance de -10 % sur la période (comme annoncé ici même le 16 juillet dernier, à l’occasion de la publication des chiffres de la fédération Procos).
« Un repli était attendu, explique l’institut, car le mois de juin aura dû composer avec un samedi en moins par rapport à l’exercice précédent ; toutefois, l’ampleur de ce recul d’activité pose question. En juin 2023, l’activité sur le marché avait reculé de 9 %, soit moins qu’en 2025, alors que le premier week-end des soldes était passé de juin à juillet au cours de cet exercice. Ce recul d’activité n’est donc pas seulement dû à un samedi en moins, mais à des ventes de mobilier qui continuent de reculer en dehors de tout effet calendaire, ainsi qu’à un début des soldes sans doute largement en deçà des attentes. Pour faire le bilan définitif des soldes, attendons toutefois les résultats de juillet pour voir les performances du marché sur le cumul des deux mois ».
En juin, la chute est généralisée et tous les segments du meuble enregistrent un recul à deux chiffres, à l’exception de la cuisine. Peu d’acteurs parviennent à se démarquer à l’exception, encore une fois, des spécialistes cuisine, qui sont les seuls à voir leurs ventes progresser (faiblement) sur le mois.
L’impact de ce mauvais résultat du mois de juin s’avère majeur sur le cumul marché, qui recule à -3,9 % sur le semestre. « C’est le troisième exercice consécutif où le premier semestre s’affiche en repli pour un recul cumulé de 10,9 % entre le premier semestre 2022 et le premier semestre 2025 », observe ici l’IPEA. Et de poursuivre : « Sur le marché du meuble, la tendance du premier semestre est souvent révélatrice du résultat annuel du marché. Ce dernier avait terminé à -2,5 % en 2023 après un premier semestre à -1,9 % et à -5,1 % en 2024 après six premiers mois à -5,4 %. Difficile d’être optimiste pour la fin de l’exercice dans ces conditions. »
L’IPEA profite de cette note de conjoncture pour dresser un premier bilan semestriel du marché du meuble et mettre en évidence les principales tendances qui se dégagent sur la première partie de l’année. Meuble-Info vous en livre ici le contenu in extenso :
• La cuisine sort du lot. Sur les six premiers mois de l’année, la cuisine est le seul segment du marché du meuble qui parvient presque à maintenir son activité, avec toutefois des fortunes diverses, entre la grande distribution en recul et les spécialistes en croissance, mais sur des référentiels 2023 et 2024 en fort recul.
• La literie rentre dans le rang. Si la literie était parvenue à se démarquer en 2023 et 2024 en résistant mieux que les autres segments du marché (sans toutefois réussir à maintenir sa croissance sur le dernier exercice), elle ne parvient pas à sortir du lot cette année et chute à un rythme proche de celui du marché.

• Priorité aux spécialistes. Les circuits qui parviennent à se démarquer sur ce premier semestre sont les spécialistes literie et les spécialistes cuisine, seuls canaux en croissance sur la période. Si les premiers continuent de renforcer leur maillage du territoire et n’hésitent pas à jouer la carte de la promotion, les seconds ont aussi passé la vitesse supérieure en termes de communication et d’offres commerciales, afin de ramener les consommateurs en magasin.
• La grande distribution à la peine. Que ce soit pour la grande distribution ameublement ou pour les grandes surfaces de bricolage, le premier semestre aura été synonyme de recul marqué de l’activité. Le premier circuit doit composer avec les changements de stratégie de certains acteurs, encore en phase de transition, alors que le second doit composer avec la chute des projets de rénovation des ménages, le recul des déménagements ces derniers mois n’aidant pas à relancer la fréquentation. Si ces dernières années la grande distribution ameublement nous avait habitué à mieux résister que les autres acteurs du marché, elle rentre dans le rang cette fois-ci. Seuls les discounters sur de petits meubles à bas prix parviennent un tant soit peu à résister.
• Le meublant en grande difficulté. Si la majorité des segments du meuble enregistrent des performances moins en retrait sur le premier semestre 2025 que sur les six premiers mois de 2024, ce n’est pas le cas du meuble meublant, qui affiche un recul de ses ventes supérieur à celui du premier semestre 2024, au cours duquel il affichait déjà un recul légèrement au-dessus de 5 %. Difficile d’imaginer une reprise sur le marché du meuble sans que le meublant retrouve une meilleure dynamique alors qu’il demeure le premier segment du secteur en valeur. Il est également le premier rayon des enseignes de la grande distribution ameublement, ce qui peut expliquer les difficultés du circuit. Après une croissance de 3,9 % en valeur en 2022, due en grande partie à l’inflation, il aura réussi à maintenir tout juste ses ventes en 2023, avant de les voir reculer de 5,3 % en 2024… et la chute continue de s’accélérer sur le premier semestre.
Quelles perspectives pour la fin 2025 ? Malgré quelques signaux positifs, comme le marché de l’immobilier qui se stabilise (avant de redémarrer ?) ou une inflation modérée, le moral des ménages reste en berne et le contexte n’est toujours pas propice à la consommation. Les données de l’Insee le montrent : les crises économiques des dernières années liées au Covid et à l’inflation poussent les ménages à rester globalement attentistes et à privilégier encore l’épargne à la consommation.
Sur le premier trimestre de l’année 2025, le taux d’épargne des ménages atteint les 18,8 % ; c’est 0,6 point de plus par rapport à l’exercice 2024, qui était déjà pour sa part 3 points au-dessus de sa moyenne historique selon le Ministère de l’économie et des finances. Il faut remonter au Covid et à la fermeture des points de vente pour trouver des taux plus élevés, avec 20,4 % en 2020 et 19,1 % en 2021. La volonté du ministère de baisser les taux des placement préférés des Français à partir du 1er août (avec le taux du Livret A qui passe de 2,4 % à 1,7 % et celui du livret d’épargne populaire qui tombe pour sa part à 2,7 % contre 3,5 %), sera-t-elle à même de détourner les Français de l’épargne dans les prochaines semaines pour réinjecter ces montants dans la consommation ? « Rien n’est moins sûr, répond l’IPEA, les intentions d’achat de mobilier et de travaux pour la maison continuent de baisser pour les mois à venir et la tendance au second semestre pourrait être identique à celle du premier pour le marché du meuble, à moins que le marché de l’immobilier ne commence à se redresser plus franchement, ce qui pourrait tirer les ventes vers le haut ».
« Sur le premier semestre, conclut l’institut, les spécialistes literie, mais surtout cuisine, ont toutefois montré que le consommateur était prêt à revenir dans les points de vente et était réceptif aux offres qui pouvaient lui être faite. L’intérêt pour la maison est toujours présent, reste à trouver le bon message pour l’amener à passer à l’acte et faire en sorte que ses arbitrages s’opèrent en faveur plutôt qu’au détriment du logement ».