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Laurent Marguerettaz (La Compagnie du Lit) : « Se remettre en phase avec les attentes des clients. »

Laurent Marguerettaz (La Compagnie du Lit) : « Se remettre en phase avec les attentes des clients. »

Un an après son arrivée à la direction générale de La Compagnie du Lit, Laurent Marguerettaz a dévoilé, lors de la convention annuelle de l’enseigne spécialiste literie, le projet “Cap 150”. Ce plan de transformation vise à redéfinir en profondeur la stratégie de l’enseigne et son approche client. Dans un entretien qu’il a accordé à Meuble-Info, il revient sur les fondements de ce projet, ses leviers d’action, ses ambitions et les changements qu’il implique pour le réseau.

Meuble-Info : Vous êtes arrivé à la direction générale de La Compagnie du Lit en septembre 2024. Quelle mission vous a confiée Jean-Rémy Bergounhe, PDG du groupe Finadorm (propriétaire de l’enseigne depuis 2022), en vous nommant à ce poste ?

Laurent Marguerettaz : Ce que recherchait Jean-Rémy Bergounhe, c’était une vision et une stratégie claires concernant l’avenir de La Compagnie du Lit. Ma feuille de route était précisément celle-là : proposer une stratégie structurée et une vision à moyen terme pour l’enseigne.

Avant d’arriver à ce poste, rappelons que vous avez exercé, quelque vingt-cinq années durant, plusieurs fonctions (commerciales, marketing et de direction) au sein du groupe Fournier, dont celle (jusqu’en janvier 2023) de directeur général de la bannière cuisiniste SoCoo’c… En quoi cette expérience dans le secteur de la cuisine vous a-t-elle servi pour appréhender le marché de la literie ?

– Effectivement, je ne connaissais pas du tout la literie en arrivant à ce poste ; mais j’ai rapidement identifié beaucoup de parallèles avec la cuisine.

Il y a plusieurs années déjà, ce secteur de la cuisine équipée a vécu un vrai changement de paradigme : le passage d’une approche client principalement centrée sur le produit (la qualité des matériaux, l’épaisseur des meubles, la performance des charnières, les caractéristiques techniques…) à une approche beaucoup plus centrée sur le client, ses attentes, ses besoins, son projet. Ce basculement s’est opéré sous la pression de la concurrence allemande et grâce à l’introduction de méthodes de vente structurées dans les magasins, fondées sur la découverte des attentes du consommateur et une véritable vente “réponse aux besoins”. Or j’ai le sentiment que le marché de la literie vit aujourd’hui cette même mutation.

Diriez-vous que La Compagnie du Lit souffrait jusqu’alors d’un certain retard dans la prise en compte de cette évolution ?

– Sans doute un peu, oui. Mais je pense surtout que c’est le marché de la literie qui, dans son ensemble, reste encore très centré sur les produits et la technique !

Au moment de prendre mes fonctions, j’ai visité plusieurs enseignes concurrentes, en client mystère. La plupart du temps, j’ai retrouvé, comme chez nous, cette approche fondée principalement sur le produit et ses caractéristiques techniques : densité des mousses, nombre de ressorts, épaisseur, etc. Confrontés à ce discours technique, je crois que beaucoup de consommateurs peuvent décrocher très vite. J’ai le sentiment que le client attend plus qu’on lui parle davantage de lui et de son projet… et moins de “mousses” ou de “ressorts”.

Chez La Compagnie du Lit aussi, le merchandising reflète cette culture historique, qui a fait le succès de l’enseigne. Les magasins sont d’ailleurs organisés par technologies : mousses d’un côté, ressorts de l’autre. Cette logique produit doit évoluer vers une logique d’écoute active du client et de confort. C’est précisément ce que nous avons enclenché avec “Cap 150”.

Entrons dans le détail si vous le voulez bien. En quoi va concrètement consister ce projet “Cap 150” ?

– Nous avons lancé la démarche en janvier dernier, d’abord avec une étude de marché qualitative confiée à la société Kantar. Dans ce cadre, une quarantaine d’acheteurs de literie (tous circuits confondus), ont été interrogés (par groupes de dix) afin qu’ils expriment leur perception du marché de la literie.

Leurs retours ont confirmé nos intuitions : la perception par les clients d’une offre pléthorique, d’un discours vendeur jugé trop technique et une réelle défiance de ces mêmes clients, nourrie par le manque de transparence sur les prix. L’enjeu principal, c’est donc de redonner confiance au consommateur lorsqu’il pousse la porte du magasin.

À partir de ces enseignements, nous avons bâti la plate-forme de marque de La Compagnie du Lit (la première formalisée depuis la création de l’enseigne), puis conçu un nouveau process de vente, véritable clé de voûte de notre projet.

Mais le nom “Cap 150” fait référence à une ambition de développement. N’est-ce pas là le cœur du projet ?

Non, il en est la résultante. L’objectif premier, c’est de remettre l’enseigne en phase avec le marché et les attentes clients. D’une certaine manière, le développement viendra ensuite, naturellement, de cette évolution.

Cette ambition porte sur 150 points de vente d’ici 2030 ?

Oui, en cinq ans. Aujourd’hui, le réseau compte 102 magasins, dont 62 succursales et 40 franchisés. Nous voulons rééquilibrer ce mix et renforcer la part de la franchise, qui sera le principal levier de notre expansion. La culture mixte succursales/franchises est une force que nous tenons à préserver.

Revenons-en à la plate-forme de marque. Quel(s) changement(s) va-t-elle impliquer pour l’enseigne ?

– Comme je l’ai dit, elle n’avait jusqu’à présent jamais été formalisée. Désormais, elle structure toute notre stratégie autour de l’expérience client, en remplaçant la logique technique/produit par une approche centrée sur le confort et les attentes réelles des consommateurs.

Cela dit, nous restons positionnés sur le cœur de marché, qui est notre ADN. En d’autres termes : être capables de répondre à un large spectre de besoins, soit, pour simplifier, du matelas à 300 € au modèle à 3 000 €. Et nous restons fidèles à notre promesse de grandes marques à prix accessibles. Il n’est pas question de monter en gamme, mais bien plutôt de renforcer notre pertinence sur ce segment.

Beaucoup d’enseignes revendiquent une orientation client… En quoi La Compagnie du Lit va-t-elle se distinguer de ses concurrents ?

– Tout se jouera sur la qualité de la mise en œuvre.

Vous connaissez l’adage “retail is detail”, qui signifie que l’expérience client est composée de la somme des détails perçus par les clients tout au long de leur parcours d’achat… Je suis moi aussi convaincu que ce qui fait la différence, c’est moins la stratégie en elle-même que sa mise en œuvre, tous les jours, dans chaque point de vente, par chaque vendeur. C’est là que se construit réellement l’expérience client.

Comment allez-vous déployer cette stratégie sur le terrain ?

– Nous sommes en train de bâtir un programme de formation complet. Un dispositif pilote sera lancé sur trois magasins succursales au premier semestre 2026, avant un déploiement national à partir du second semestre. Ces pilotes serviront d’ailleurs à tester à la fois le process de vente et le nouveau concept magasin.

Ce process de vente a été élaboré avec les équipes ?

– Oui, de manière très participative. Près de 80 collaborateurs, issus du siège mais surtout des magasins (responsables de points de vente, succursales et franchisés), ont contribué à sa construction, à travers différents ateliers. Cette implication collective est essentielle pour l’appropriation et la cohérence du modèle.

Vous évoquiez un nouveau concept magasin. Qu’est-ce qui, concrètement, va changer ?

– Nous avons la chance et l’opportunité incroyable de pouvoir reconcevoir en même temps le concept magasin et la méthode de vente, ce qui est rare en matière de distribution ! Notre pari va d’ailleurs consister à les connecter étroitement : à chaque étape du parcours client correspondra un espace dédié dans le magasin.

Notre objectif est de donner naissance à un concept vraiment différenciant, à la fois plus fluide et plus orienté client.

Une nouvelle identité visuelle accompagnera-t-elle ce changement ?

– Oui. Initialement, nous ne pensions pas toucher à la charte graphique, mais l’ampleur de la transformation rendait l’évolution inévitable. Nous allons donc moderniser l’identité visuelle, afin de la mettre en cohérence avec la plate-forme de marque. La question de notre baseline n’est pas encore tranchée, mais la charte, elle, va évoluer.

Lors de la convention, il a aussi été question d’un outil de mesure du trafic en magasin. De quoi s’agit-il ?

– L’idée, c’est de disposer d’un indicateur fiable du taux de transformation, c’est-à-dire du rapport entre le nombre de ventes et le nombre d’entrées. Pour cela, il faut pouvoir mesurer précisément et automatiquement ces entrées, ce qui est loin d’être évident dans les magasins à petit flux comme les nôtres. Nous avons donc développé un système de comptage innovant, testé en pilote, qui permettra de fiabiliser cette donnée. Pour nous, le taux de transformation est le véritable KPI de l’expérience client, bien plus pertinent que le chiffre d’affaires seul.

Vous avez évoqué un développement accru en franchise. Quel profil de franchisés recherchez-vous ?

– Nous souhaitons bien sûr toujours accueillir des professionnels de la literie, mais pas uniquement. Notre objectif consiste aussi à être capables de faire réussir des entrepreneurs qui ne viennent pas forcément du métier de la literie, pourvu qu’ils aient l’esprit commerçant et qu’ils s’investissement dans leur magasin. Il peut donc s’agir de profils issus du meuble, de la cuisine ou plus largement de l’équipement de la maison. Autrement dit nous voulons élargir notre cible de recrutement à des entrepreneurs expérimentés, qui viennent d’autres univers et qui partagent déjà cette vision de l’expérience client, des process de vente et du management de la performance via le taux de transformation.

En termes d’emplacements, que recherchez-vous ?

– Historiquement, La Compagnie du Lit est très implantée à Paris ; et, grosso modo, un quart de nos magasins sont en centre-ville, trois quarts en périphérie. Le développement futur s’effectuera donc principalement en province, sur des zones commerciales, avec des surfaces de 300 m2 à 400 m2.

Autant l’approche produit qui prévalait jusqu’à maintenant commandait de présenter un nombre aussi important que possible d’expos, sur des grandes surfaces, autant avec une logique davantage centrée sur le client, la tendance demain sera plutôt de réduire le nombre de mètres carrés, condition sine qua non, en outre, pour optimiser le modèle économique de nos magasins et améliorer leur rentabilité.

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