Les IA génératives vont-elles sonner le glas de l’un des principaux atouts du commerce physique, sa capacité à conseiller ?

Quelles stratégies mettre en place face à la montée de l’IA ? Quel avenir pour les points de vente ? Comment intégrer la seconde main ou l’économie de l’usage ? Faut-il réinventer la logistique urbaine ? Autant de questions auxquelles tente de répondre l’étude réalisée par L’ObSoCo pour la Fevad, consacrée à la vision qu’ont les principaux décideurs actuels de l’écosystème du commerce français. Anxiogène. Mais instructif.
Début juillet, la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) a révélé les principaux enseignements de sa toute nouvelle étude : “Quelles perspectives pour le commerce à l’horizon 2035 ?”. Fruit d’une trentaine d’entretiens avec des professionnels du secteur (distributeurs, industriels, pure players, prestataires et experts), cette enquête, réalisée par L’ObSoCo (L’Observatoire Société et Consommation) pour la Fevad, propose un éclairage inédit sur les grandes mutations en cours et à venir, qui pourraient bien façonner l’avenir du secteur dans les dix prochaines années*.
Si elle ne constitue pas un exercice prospectif à proprement parler, cette étude “miroir” révèle une vision partagée d’un futur incertain, mais résolument transformé, du commerce de détail.
La quasi-totalité des professionnels interrogés s’accorde sur un point : le changement à venir sera rapide, peut-être même « brutal ». Les dix prochaines années pourraient ainsi concentrer autant de transformations que les vingt-cinq précédentes. Si certains évoquent une « accélération », d’autres anticipent de véritables et franches ruptures. Mais – faut-il s’en réjouir ? – un point fait consensus parmi la majorité des répondants : le haut niveau d’incertitude associé à la dynamique du secteur à moyen terme ; en d’autres termes, nul ne sait exactement quelle direction prendra ce changement…
Et que trouve-t-on au cœur de cette transformation annoncée ? : la fameuse IA, et plus particulièrement l’IA générative. Cette “intelligence artificielle générative” (système d’IA capable de générer du texte, des images, des vidéos ou d’autres médias en réponse à des requêtes), est effectivement identifiée comme le moteur principal des mutations à venir. Il faut dire qu’elle promet de transformer tous les maillons de la chaîne de valeur : gestion des flux, expérience client, ciblage marketing, automatisation logistique… jusqu’à peut-être bousculer l’intermédiation traditionnelle, ceci grâce à des assistants personnels pilotant nos achats. Le commerce de demain devra alors composer avec de nouveaux intermédiaires : non plus Google ou Amazon, mais les IA elles-mêmes, en capacité de devenir alors elles-mêmes un nouveau canal de distribution.

D’une manière générale, tous prévoient une croissance du e-commerce, avec une polarisation accrue autour des grandes marketplaces, capables d’investir dans les technologies et d’atteindre une masse critique. Les marques, elles, devront opérer des choix stratégiques majeurs concernant leurs positionnements : miser sur la désintermédiation en vendant en direct… ou rejoindre ces géants pour exister. Phénomène récent : les nouveaux canaux comme le social commerce, portés par TikTok Shop et les influenceurs, sont désormais identifiés comme des relais de croissance majeurs, particulièrement auprès des jeunes générations.
« Le commerce de demain sera ultra-concurrentiel, concentré et technologique », affirment les auteurs de l’étude. Et d’ajouter : « Face à cette montée en puissance du digital, le commerce physique fait plus que jamais face à un avenir incertain » et « doit se réinventer ». Les professionnels anticipent notamment une contraction de l’appareil commercial, avec des fermetures de points de vente et une multiplication des friches commerciales, particulièrement dans le secteur non-alimentaire. Le commerce physique, à la croisée des chemins, devra donc se trouver une (nouvelle ?) raison d’être : proximité, humanité, expérience, services… Mais certains professionnels s’inquiètent de voir les IA génératives évoquées plus haut concurrencer ce qui est supposé être justement un point fort du commerce physique : la capacité à conseiller les clients. « Le renouveau passera par l’invention de nouveaux modèles, nous dit-on, qui pourraient tirer leur épingle du jeu : concept stores, lieux hybrides, seconde main, réparation, location… ». Une chose est sûre : cette transformation du commerce physique demandera des moyens, de la formation et de l’agilité.
Trois scénarios prospectifs ont été soumis aux participants à ces entretiens : l’avènement des assistants IA, la renaissance locale du commerce, et la montée d’un commerce serviciel. Aucun ne s’impose avec évidence ; tous constituent des pistes, complémentaires, pour anticiper les transformations structurelles du secteur. Le modèle serviciel est cependant jugé le plus crédible par les professionnels pris collectivement, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux “business models”, fondés sur l’accompagnement client et l’économie de l’usage. Dans ce contexte mouvant, où les technologies évoluent plus vite que les organisations, les professionnels interrogés expriment une nécessité : développer une culture de veille, de test, d’adaptation permanente. L’agilité ne sera plus une option, mais une condition de survie.
Découvrez quelques extraits de l’étude en accès libre sur le site de la Fevad.
* Cette étude s’appuie sur des entretiens approfondis menés en mai et juin 2025 auprès d’une trentaine de cadres dirigeants représentant l’ensemble de l’écosystème du commerce : distributeurs, industriels, pure players du e-commerce, prestataires de services, ainsi que des experts, tous universitaires, chercheurs dans le champ de la consommation et du commerce.
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