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Consommation responsable : les Français sont-ils verts, ou verts de rage ?

Consommation responsable : les Français sont-ils verts, ou verts de rage ?

On peut le regretter. Mais les acteurs de la filière meuble vont devoir en tenir compte, ne serait-ce que dans leur(s) façon(s) de communiquer sur le sujet auprès des consommateurs : dans une société qui vante le gain de temps et où l’offre crée la demande, l’injonction à une consommation responsable devient de moins en moins audible. C’est en tout cas ce qui ressort d’une récente étude qualitative menée par L’ObSoCo. Synthèse.

« Alors que la prise de conscience écologique n’a jamais été aussi importante au regard de la multiplication des conséquences du dérèglement climatique dans le quotidien des Français, comment ces derniers la traduisent-ils en actes ? »

C’est la – bonne – question qu’a récemment posée Citeo (entreprise spécialisée dans le recyclage, née de la fusion d’Eco-Emballages et d’Ecofolio, dont la mission est de réduire l’impact environnemental des emballages et papiers), choisissant, pour y répondre, de mandater L’ObSoCo (L’Observatoire Société et Consommation) afin qu’il mène une étude qualitative auprès de femmes et d’hommes, d’âges, de catégories socioprofessionnelles et de zones géographiques différents.

La conclusion est sans appel : « Tiraillées entre culpabilité, volonté de bien faire et contraintes économiques, les personnes rencontrées font le récit d’une fatigue écologique qui s’installe. »

« Plusieurs mécanismes de mise à distance s’observent », affirme L’ObSoCo. Une certaine rancœur s’exprime, qui contribue à limiter sa propre responsabilité vis-à- vis des autres (les voisins, les collègues, les anciennes générations qui ont “laissé faire”, les jeunes générations perçues comme très ambivalentes sur le sujet, les industriels qui polluent, les politiques qui n’agissent pas assez, les écologistes parfois perçus comme extrêmisant le débat, etc.). En d’autres termes : « Pourquoi agir à mon niveau si les autres n’agissent pas ? »

Par ailleurs, devant le gigantisme de la tâche, nombreux sont nos concitoyens à ressentir un sentiment d’impuissance, quand d’autres se montrent de plus en plus circonspects sur ce qui est fait du tri de leurs déchets, suspicieux vis-à-vis de certaines pratiques dites plus “écologiques”, comme le bio ou l’électrique, par exemple.

« Être “écolo” aujourd’hui requiert du temps, de l’organisation, de l’espace et des moyens financiers », poursuit L’ObSoCo. L’absence de ces conditions peut finir par être source de frustration (voire de colère), quand on aimerait bien… mais qu’on ne peut pas. Dans les arbitrages économiques du quotidien, la question environnementale n’a pas toujours sa place et l’écologie devient de plus en plus un marqueur social. Les Français veulent bien reconnaître l’importance (voire l’urgence) de la thématique environnementale, mais refusent qu’on leur fasse “porter le chapeau” et regrettent qu’on ne leur facilite pas davantage le passage à l’acte. Ils ne veulent pas être le dernier maillon d’une chaîne qui dysfonctionne à tous les étages. « Dans une société qui vante le gain de temps et où l’offre crée la demande, cingle L’ObSoCo, l’injonction à une consommation responsable devient de moins en moins audible ».

« L’enjeu pour eux (les sondés, ndlr) n’est plus d’éduquer ou d’informer sur les bons gestes à adopter, mais de transformer l’offre en profondeur, de réglementer davantage au niveau des pouvoirs publics, en direction des industriels, écrivent à ce sujet Marie Gariazzo (directrice à L’ObSoCo) et Rozenn Nardin (responsable de la prospective sociétale à Citeo) dans leur “chronique” issue de l’étude (à lire dans son intégralité sur le site de la Fondation Jean-Jaurès). On perçoit une réelle aspiration au changement, vers moins de consommation, plus de décélération. Mais cette aspiration se heurte à un paradoxe : dans une société qui promet toujours plus de choix et de facilité, l’effort écologique devient paradoxalement plus exigeant ».

Chacun semble alors “bricoler” avec l’écologie, jamais complètement certain de ses gestes, avançant à son rythme, sans trop renoncer à son confort ou son plaisir, satisfait de contribuer… à sa mesure. Mais tous ces éléments favorisent un certain désengagement, « une situation d’autant plus préoccupante, soulignent les experts de L’ObSoCo, qu’elle s’inscrit dans un mouvement plus vaste de désengagement du monde économique et politique, qui adresse un mauvais signal aux consommateurs-citoyens ». Et d’interroger, en guise de conclusion : « Mais, si l’exemplarité et l’impulsion ne viennent pas des pouvoirs publics, que se passera-t-il ? »

            (Photos : © Freepik.)

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